A Versailles le 12 juin 1778.
Par votre Lettre du 14. du mois dernier,1 Messieurs, vous me temoignés craindre qu’on ne mette en liberté les prisonniers qui se trouvent à Bord d’un Batiment que le Capitaine jones a conduit à Brest. vous fondés vos craintes sur une opinion que les prisonniers d’une Nation avec la quelle La France n’est point en guerre, amenés dans les Ports de France par une autre puissance, ne peuvent pas être detenus par les Capteurs, mais qu’ils sont libres aussitôt qu’ils sont aménes; et vous me demandés mon sentiment à cet égard. il est vrai que des armateurs américains voulant mettre à terre dans nos Ports leurs prisonniers Anglois pour les y detenir, on ne pourroit le permettre, parce que ce seroit de la part de la france, en les y reçevant, rompre la neutralité, et faire un acte contraire aux principes du droit des Gens. il est pourroit être de même pour des prisonniers qu’on voudroit detenir à Bord d’un Vaisseau admis dans un de nos Ports; c’est à dire dans un Port interieur: car si c’étoit des Batiments qui se trouvassent en Rade, ou sous la protection de quelque Batterie, ou dans un Port exterieur, suivant les mêmes principes du droit des Gens, il me paroitroit qu’il n’y auroit dans ce cas de motif à rélâcher des prisonniers qui seroient à Bord, qu’autant que les d. Batiments auroient été pris sur les Côtes ou dans les Rivieres de la france. C’est sous le point de vüe de ces differents circonstances que paroitroit devoir être envisagée la question de savoir si des prisonniers d’une Nation avec la quelle la france n’est point a guerre, qui sont amenés dans les Ports de france, peuvent, ou non, y être détenus.
J’ai l’honneur d’être [&c.]
[Translation]
Versailles, 12 June 1778
By your letter of the 14th of last month,1 Gentlemen, you tell me of your fear that the prisoners on board the Ship that Captain Jones brought into Brest will be set free. You base your fear on an opinion that prisoners of a Nation with which France is not at war, brought into the Ports of France by another power, may not be detained by the Captors, but that they are free as soon as they are brought in; and you request my sentiment in this regard. It is true that some American privateer captains want to set on land in our Ports their English prisoners in order to detain them there, this cannot be permitted, since that would be on the part of France, in receiving them, to break its neutrality, and to perform an act contrary to the law of Nations. This would be the same for any prisoners one might want to detain on Board a Ship admitted into one of our ports; that is to say, in an interior Port: for if it were Ships that were in the Roads, or under the protection of a Battery, or in an exterior Port, according to the same principles of the law of Nations, it seems to me that there would be in that case no reason to free any prisoners that were on Board, that as much as the aforementioned Ships would have been taken on the Coasts or in the Rivers of France. It is from the point of view of these different circumstances that one must consider the question of knowing if prisoners of a Nation with which France is not at war, that are brought into the Ports of France, may or may not be detained there. I have the honor to be [&c.]
de sartine