[Extract]
Plan de Guerre
Contre L'Angleterre, Rédigé par les ordres du feu Roy dans les Années 1763, 64, 65, et 1766. Par M. Le Comte de Broglie, et Refondu et adapté aux Circonstances actuelles Pour être mis sous les yeux de Sa Majesté à qui il a été envoyé le 17. décembre 1777....
Second Mémoire
Mémoire militaire Relativement à notre
Situation actuelle avec l'Angleterre1
Il en est de la Guerre comme de toutes les Entreprises, point de Succés Sans plan, c'est ce qui nous a manqué essentiellement dans la derniere Guerre, et ce qu'il est bien à désirer qui ne nous manque pas dans celle dont nous sommes menacés, on Seroit d'autant moins excusable, que jamais Guerre ne s'est approchée d'une maniere moins Soudaine. Depuis 2. ans, les deux Nations Sont dans un état de Guerre Caitte et dans un appareil d'armement ouvert. Aujourdhui la crise paroit plus prochaine que jamais: le plus léger événement, un pas, un mot, un mal entendu peuvent nous mettre aux prises; jamais donc il n'a été plus nécessaire de former un plan, il est vraisemblable que le Gouvernement eu a un, et si l'on de mettre celui ci sous les yeux de S. M.ce n'est qu'un hommage de Zele qui peut cependant la mettre en état de comparer la conclusion du mémoire précédant, Sur la situation politique de la france envera L'Angleterre, à été que, vû l'aveuglement qui a jusqu'ici égaré les Anglais, et la possibilité quoique peu vraisem blable qu'ils y persistent, il falloit ne point commencer la Guerre, mais seulement s'y préparer, de maniere à pouvoir entrer en action au premier moment où elle Seroit nécessaire, d'apres ce résultat, il s'agit de tracer un plan Général qui déffensif pour le moment actuel, soit susceptible de devenir offensif aussitot que la Guerre éclatera.
Cette discution est trop importante pour n'être pas traitée avec toute la méthode et la profondeur qu'elle éxige, ainsi on commencera par résondre plusieurs questions préliminaires qui y ont rapport leur Solution deviendra ensuite la base du plan qu'on doit former.
Situation de Notre Marine Comparée
à celle des Anglaise, et de la Maniere de l'employer
On n'entrera dans aucun détail sur le matériel de notre Marine comparé à celui de la Marine Anglaises. Le Gouvernment doit savoir à quoi s'en tenir Sur ce parallelle, il a le Secret de notre Situation Réelle, celui de nos Chantiers, de nos arsenaux, de nos magasins, et il doit de même s'être procuré celui des Anglais, un Sebornera donc ici à quelques résultats appuyés sur les faits passés et sur des vérités reconnués, pour tâcher ensuite d'en insérer le plan d'opération qu'il paroit le plus avantageux d'adoptu pour notre Marine.
Cette branche de nos forces à fait depuis deux ans d'immences progrès, et chaque jour ils s'acroissent, l’Esprit d'emulation et d'activité y a Succedé à celui de Langueur et un de le dire de découragement; mais c'est à la mer, cest aux grands résultats de pratique que les Anglais nous attendent: ce qui nous manque, si les points sur les quels ils nous sont encore peut être Supérieurs, c'est l'habitude de la Navigation, c'est l'endurassement aux Campagnes de longs course et aux Stations difficiles, c'est L'art de passer et de tenir partout, enfin au milieu de beaucoup d'officiers, de grande espérance, c'est d'en avoir qui ayant commandé des Escadres et des flottes.
Dans cette Situation toute espèce de Situation ne convient sans doute pas à notre marine, il paroit qu'on doit éviter toutes celles qui morceleront nos forces, qui les diviseront, qui les compromettront, ou dans des Combats particuliers, ou dans des Stations périlleuses, où dans des Expéditions de longue haleine, l'expérience de deux derniers Guerres n'a que trop confirmé ce principe, on a voulu faire force partout, couvrir tout, et partout faible, partout inférieur en force ainsi qu'en manoeuvres et peut être en Capacité; on a été partout battus, ou forcé de regangner ses Ports, ce qui revient au même, puisque par la Les opérations ont été nulles. Apres trois Compagnes on a voulu a retenir au Sistème, réunir Ses forces, et il n'etait plus tems. L'Escadre de Toulon, ainsi qu'il arrivera toujours, toutes les fois qu'on ne prévándra pas les Anglais, n'a pas pu joindre la flotte de l'océan, celle ci à peine égale à la flotte Anglais tandis qu'elle auroit pu être Supérieure, Si la jonction s'etoit faite, à [illeg.] sortir, on Sait le Sort de ce combat,2 et depuis notre Pavillon n'a pas osé Se montrer. Ainsi n'en usa point Louis XIV. pendant Les deux années de triomphe, ou il eut l'Empire de la mer, il eut de Grosses flottes, et il les tint ensemble; S'il essuyat un grand échec à la Hogue,3 c'est mal a propos qu’on dit que cette bataille fut le Tombeau de la marine, car l'an née d'apres il mit en mer une flotte de 80. Vaisseaux. Ce qui fit tomber sa marine, c'est qu'elle n'etoit point alimentée par une navigation considérable, c'est qu'elle n'e toit par conséquent que factice et un éffort ephémere de la puissance; cest qu'enfin les circonstances l'ayant forcé de porter toutes Ses depenses et son attention aux Guerres de terre, elle fut peu à peu, et ensuite tout a fait négligée.
Point de petites Escadres; point d'Expeditions Soustaines, de Grosses flottes, touts nos forces dans une Seule mer,—une Bataille Navale dans ce début; mais donnée á propos et dans un grand objet, une Guerre vive et courte, voila le Sisteme qu'on proposera pour notre Marine. Dans l'etat actuel il seroit dangereux pour nous de croire pouvoir déffendre nos Colonies, et protéger notre Commerce pendant la Guerre avec des Escadres. 6. Vaisseaux francais envoyés dans les mers d'Asia, en même tems que 6. Vaisseaux Anglais, au bout d'un an Se trouveroient dans un état Sensiblement inferieur à ces derniers, par le désavantage qu'à notre marine sur la leur dans les Croisiers longues, difficiles et eloingnées.
En rassemblant la plus grande partie de nos forces à Brest, nous protégeons bien plus efficacement notre Commerce et nos Colonies, car nous obligeons les Anglais à garder dans l'océan et dans la Manche des forces non Seulement égales; mais même Supérieures, ils ne doivent pas en effet commettre au hazard d'une Bataille donnée avec égalité le Sort de l'Angleterre, dont l'invasion deviendroit facile, Sils venoient à la perdre; enfin s'il est un opération que nous puissions et devions tenter, c'est cette Bataille, car d'une part elle peut terminer la Guerre d'un seul Coup, de l'autre en la perdant nous n'avons pas les mêmes risques à courir, et ce jeu est par conséquent tres inégal pour les Anglais.
Une grande raison milite encore pour nous faire préférer des opérations décisives à toutes celles qui pourroient faire traine la Guerre en longueur, c'est que notre Marine n'etant point encore assez consolidée, n'ayant point à son appui, comme celle des Anglais, des magasines, des arsenaux pleins de moyens de rechange, ne pouvant pas avoir Sans cesse comme eux des vaisseaux frais à Substituer à ceux que nous perdons, où que la mer aura fatigée, étant moins à portée qu'eux de tirer du Nord tous les matériaux de remplacement, nous nous asserblissons nécessairement par la durée de la Guerre, ils ont de plus pour eux la chance que, des évenements étrangers viendront détourner notre attention et nos moyens, et comme à force de Subsider, de négociations et d'intrigues, ils sont habites à les faire naître, cette ressource ne leur à malheuresment jamais manqué
Il reste enfin pour appuyer le parti de faire débuter notre Marine par de grands coups et de ne point se laisser consumer par les détails et par le tems; Les Raisons tirées du caractere de la Nation, tout ce qui est affaire de constance la rebute, la fatigue, la décourage même à longue, pour toutce qui porte le caracterre de la hardiesse et de la Vigueur, L'elève et lui en communique. ...
[Translation]
War Plan Against England
drawn up at the order of the late king in the years 1763, 64, 65, and 1766 by the Comte de Broglie, and reworked and adapted to the present circumstances for perusal by His Majesty, to whom it was transmitted on 17 December 1777....
Second Memoir
Military Memoir on our Present Situation
with Respect to England1
It is the same with war as with all other enterprises: There is no success without planning. This is essentially what we lacked in the last war, and it is most desirable that we should not suffer the same lack in the one which now threatens us. To do so would be even less excusable this time, for never has a war come about less suddenly. For two years the two nations have been in a state of near war and have openly been arming. Today the breaking point seems nearer than ever. The slightest incident—an act, a word, a misunderstanding—may bring us into open conflict. Never has it been more essential, therefore, to devise a plan. It is probable that the Government already has one; and we presume to offer this one for His Majesty's consideration only as a mark of our eagerness to serve, and to provide His Majesty with a basis for comparison. In our preceding memoir on the political situation of France with respect to England, we concluded that in view of the blindness which has thus far led the English astray, and of the possibility, however slight, that they may persist in their folly, we should not start the war but only prepare for it, so that we shall be ready to go into action the moment it becomes necessary. Accordingly, a strategy should be devised which is defensive for the time being, but is capable of turning to the offensive as soon as war breaks out.
This discussion is so important that it deserves to be treated with the utmost thoroughness and care; so we shall begin by answering some preliminary questions relating to it. These answers will then form the basis of the strategic plan to be devised.
Situation of our Navy as Compared to that of the English,
and How it Should be Employed
There will be no detailed discussion here of the materiel available to our navy as compared to that of the English navy. The Government must know how these matters stand. It has all the inside information on the present status of our shipyards, dockyards, magazines; and it must also have secured similar information about the English. Therefore we shall confine ourselves here to some conclusions based on past events and established facts, then try to deduce from them the operational plan which it seems most advantageous for our navy to adopt.
This branch of our armed forces has made tremendous progress in the past two years, and this is still continuing. A new spirit of competition and activity has replaced that of listlessness and even defeatism formerly widespread in our navy. But it is at sea that we must meet the English in decisive conflict. Our shortcomings, the points where they are perhaps still superior to us, are experience in navigation; experience with and inurement to long cruises and difficult patrols; the art of getting through and holding fast everywhere; and finally, a large and very promising corps of officers, among them some who have commanded squadrons and fleets.
Under these conditions, of course, not every kind of situation is advantageous for our navy. It is clear that we should avoid all those situations which will break up and divide our forces and will commit them to individual combat, cruising on dangerous stations, or long distant expeditions. The experience of the last two wars has confirmed this principle all too well. We tried to exert our strength everywhere, to cover everything; and being weak everywhere, inferior everywhere in strength as well as in maneuverability and perhaps in skill, we were beaten everywhere or forced to return to port, which amounted to the same thing since it nullified our operations. After three campaigns we tried to go back to our original system and to reunite our forces, but it was too late. As will always happen so long as we fail to beat the English to the punch, the Toulon squadron was prevented from joining the ocean fleet. The latter, barely equal in strength to the English fleet instead of superior as it could have been if the junction had been made, came out to give battle. The outcome of this encounter is well known,2 and since then we have not dared to show our flag. This is not at all the way Louis XIV operated during his two years of triumph, when he had control of the seas. He had large fleets and kept them together. Although he did suffer a serious setback at La Hogue,3 it is not correct to say that this battle sounded the death knell of his navy; for the very next year he sent to sea a fleet of 80 ships. What did cause his Navy to decline was the fact that it was not nourished and supported by substantial maritime activity, and that consequently it was only factitious and an ephemeral manifestation of his power. When circumstances forced him to concentrate all his resources and attention on land warfare, his navy fell into neglect, gradually at first and then completely.
No small squadrons, no long-distance expeditions, large fleets, all our forces in the same waters; a naval battle at an early but well-chosen moment and for an important objective; a short, hard war: This is the doctrine we propose for our navy. In the present circumstances it would be dangerous for us to think that we can defend our colonies and protect our commerce in wartime with squadrons. Six French ships sent into Asian waters at the same time as six English ships would find themselves, in a year's time, definitely inferior to the latter because of their navy's advantage over ours in experience with arduous cruises extending over long periods of time and great distances.
By keeping most of our forces assembled at Brest, we are protecting our trade and our colonies much more effectively; for we are obliging the English to keep forces just as large or even larger in the Atlantic and in the Channel. They dare not risk the safety of England on the outcome of a battle in which the odds are even, for invasion would become easy if they were to lose such a battle. Therefore, this kind of battle is the one operation which we can and must attempt to bring about; for on the one hand it may end the war at one blow, and on the other we are not running any comparable risk if we lose. This makes the prospect very uninviting for the English.
There is still another factor which makes decisive action preferable to any which might tend to prolong the war. Our navy is by no means sufficiently consolidated as yet and is not backed up, as is that of the English, by magazines and dockyards well stocked with replacement materiel. Unlike them, we cannot always have new ships to replace those which are lost or battered by the sea. Not being so well situated geographically as they are for procuring strategic materials from the north, we are inevitably at a disadvantage in a long war. Also in their favor is the chance that events abroad may divert our attention and our resources; and since they are very clever at creating such events by subsidies, diplomacy, and intrigue, this advantage is one which they seldom fail to exploit.
In support of the recommendation that our navy begin hostilities with large scale action and not let itself be nibbled away by time and minor skirmishes, there are other arguments based on the character of our people. An enterprise which demands tenacity and perseverance becomes tiresome and boring to them, even discourages them in the long run; while one which bears the stamp of boldness and vigor lifts their spirits and calls forth those same qualities in them in response....