á L'Escurial Le 13. 9bre. 1777.
No. 126.
Monsieur,
J'ai reçu la lettre que vous m'avés fait l'honneur de m'écrire le 31. du mois dernier No. 67.
J'avois prévu, Monsieur, que la réponse de M. Le Cte. de Floride Blanche Sur les Secours pécuniaires à donner par l'Espagne aux Américains ne vous paroitrois pas conséquente aux principes établis dans Sa reponse, meme Sur l'interêt majeur que la france et l'Espagne ont à ce que les Colonis Angloises demeurent indépendantes, ou au moins que leur guerre contre la Métropole Se prolonge assez, pour affoiblir et user les forces des deux atheletes. En effet ce n'est pas le cas de Se borner à donner des Secours médiocres et de grandes esperances; Les consideratious exposées dans votre depeche le demontrent.1
Quelques Chefs font aller toute la machine, S'ils Se croyent abandonnés, S'ils Sont Secourus trop foiblement, ils peuvent Se décourager, l'entousiasme de la revolte et de l'indipendance S'affoiblir dans les peuples qu'ils conduisent, et ces peuples qui Souffrent de toutes les façons, peuvent leur forcer la main pour un accommodement, il faut des armes, des vetemens, des munitions, pour faire la guerre et c'est dans ce moment qu'on doit fournir aux americains les moyens d'assurer ces objets, afin qu'ils puissent Soutenir les efforts redoublés de l'angleterre la campagne prochaine.
Lorsque Votre expedition, Monsieur, du 3 de ce mois me parvint, je n'attachai Sans Succès à fixer le Roi Catholique et Son ministre à ce point principal et à les engager de donner comme la france 3 millions de livres, le plustôt qu'il Seroit possible ou au moins à dèterminer l'epoque des payemens de cette Somme, afin que les députés du congres, pussent trouver du crédit pour les choses indispensablement necessaires à leurs commettans.2
Je n'ai pas communiqué votre lettre à M. le Comte de floride blanche, je lui ai Seulement dit que Sa Mté. ne S'etoit pas encore décidée d'après le memoire de la Cour d'Espagne, et que vous m'aviez mandé que vous ne manqueriez pas de m'instruire de la resolution du Roi, aussitôt qu'il en auroit pris une. J'ai insisté par voye d'insinuation auprès de ce ministre Sur les raisons qui doivent engager la france et encore plus l'Espagne à Secourir promptement et Suffisament les Insurgens; Je n'ai pas gagné du terrain dans ce premier entretien; M le Comte de floride blanche a persisté dans l'opinion qu'il falloit les aider, et que trois millions de livres de la part de l'Espagne ne Seroient pas une Somme trop considérable, mais qu'il falloit leur donner ces Secours peu à peu, en nourrissant leurs esperances; Il m'a dit que Sa Mté. Cathe. etoit irritée de ce qu'un de leurs Corsaires avoit enlevé dernierement un vaisseau françois venant de Londres à Cadix, chargé de marchandises angloises appartenantes à des Espagnols,3 et que ce monarque avoit fait Suspendre la remise aux deputés du Congrès d'une Somme qu'il avoit ordonné qu'on leur fit toucher; Que les Corsaires Anglo americains avoient pris deux autres Bâtimens Espagnols et que le Roi Catholique vouloit Savior à quoi S'en tenir vis à vis des Colonies revoltées, et ce que pouvoient et diroient leurs députés Sur les excès dont il est question. J'ai representé à M. le Comte de floride blanche que la france devoit être plus irritée que l'Espagne, à cause de la violence et de I'insulte faite à Son pavillon,4 mais qu'une Puissance quelconque quoique bien intentionnée ne pouvbit pas'empêcher qu'un de Ses Corsaires commit des exès, Que ce qu'elle pouvoit et devoit faire, etoit de le chatier et de reparer le dommage; Qu'il ne falloit pas pour un pareil grief perdre de vuë la convenance et la necessité de donner des Secours p;ompts aux Colonies angloises. Ce Ministre est convenu du principe, mais il a ajouté que Sa Mté Cathe. avoit voulu faire connoitre Son ressentiment aux Députés du Congres, et qu'elle n'en etois pas moins disposée dans le fonds à leur faire administrer des Secours.5
Je continuerai, Monsieur, à m'entretenir Sur cette matiere avec M. le Comte de floride blanche dans le Sens que vous m'avez prescrit; Je l'ai assuré, Selon vos ordres, que nous etions parfaitement d'accord avec lui Sur les mesures de circumspection et de prudence qu'il a recommandées, et que quoique la france fasse des avances aux americains, elle veillera à ce qu'ils ne puissent pas en abuser et la compromettre, et avec la condition de discontinuer Ses libéralités, du moment où il y aura lieu à une négociation pour la paix entre les Colonies et leur metropole.6
Je vous ai annoncé, Monsieur, dans ma derniere lettre dattée de Madrid que j'aurois l'honneur de vous informer d'une confidence que S. M. Cathe. a dàigné me faire relativement au Portugal; Ce monarque m'a dit qu'il avoit parlé à la Reine Sa Soeur de la convenance réciproque qu'il y auroit à former une alliance entre le Portugal, l'Espagne et la france, Que cette princesse S'y etois montrée disposée, et qu'elle l'avoit assuré que la Reine Sa fille et le Roi Son gendre feroient ce qu'elle voudroit à cet égard.7 J'ai l'honneur d'être [&c.]
[Translation]
The Escurial, 13th. November 1777.
No. 126.
Sir,
I have received the letter which you did me the honour to write to me on the 31st. ultimo, No. 67.
I had foreseen, Sir, that the reply of Count de Florida Blanca concerning the pecuniary aid to be given by Spain to the Americans would not appear to you to be consistent with the principles laid down in his reply, especially regarding the great importance to France and Spain that the English Colonies should remain independent, or at least that their war against the mother-country should continue long enough to weaken and wear out the strength of the two combatants. Indeed, it is not the time to limit oneself to giving only moderate aid and great hopes; this is proved by the considerations set forth in your despatch.1
A few leaders make the whole machine work; if they think themselves abandoned, if they receive too little support, they may be discouraged, the enthusiasm of revolt and independence may grow weak in the people they lead, and these people, who are suffering in every way, may force them to come to an agreement. Arms, clothing and munitions are wanted for the war, and this is the moment to furnish the Americans with the means of securing these things, in order that they may be able to bear the redoubled efforts of England in the next campaign.
When your despatch, Sir, of the 3rd. instant reached me, I endeavoured unsuccessfully to bring the Catholic King and his Minister to a decision on the principal point, and to induce them to give, like France, three million livres as soon as possible, or at least to fix the period for the payment of this sum, in order that the Deputies from Congress might find credit for the things which are indispensably necessary to their constituents.2
I did not communicate your letter to Count de Florida Blanca, I merely told him that His Majesty had not yet decided, in accordance with the memorandum of the Court of Spain, and that you had told me that you would not fail to inform me of the King's decision, as soon as he had come to one. I insisted, by means of insinuation with that Minister, on the reasons which should induce France, and still more Spain, to promptly and sufficiently help the insurgents. I did not gain ground in this first conversation; Count de Florida Blanca persisted in the opinion that it was necessary to help them, and that three million livres from Spain would not be too large a sum, but that this help should be given them little by little, while feeding their hopes. He told me that His Catholic Majesty was irritated because one of their privateers had recently carried off a French vessel going from London to Cadiz, laden with English goods belonging to some Spaniards,3 and that that monarch had caused the payment of a sum of money, which he had ordered to be given to the Deputies of Congress, to be suspended; that the Anglo-American privateers had captured two other Spanish vessels, and that the Catholic King wished to know on what terms he was with the revolted Colonies, and what their Deputies could do and would say regarding the excesses in question. I represented to Count de Florida Blanca that France ought to be more irritated than Spain, because of the violence and insult done to her flag;4 but that no Power, however well-intentioned, could prevent one of its privateers committing excesses; that what it could and ought to do was to punish it and make good the damage; that we must not, for such a grievance, lose sight of the desirability and necessity of giving prompt aid to the English Colonies. That Minister agreed with the principle, but added that His Catholic Majesty had wished to make his resentment known to the Deputies from Congress, and that he was none the less disposed at bottom to cause aid to be given them.5
I shall continue, Sir, to converse on this matter with Count de Florida Blanca in the terms you have prescribed to me; I have assured him, according to your orders, that we were perfectly in accord with him regarding the measures of circumspection and prudence which he recommended; and that, although France is making advances to the Americans, she will see that they do not abuse them and compromise her, making it a condition to discontinue her liberalities, the moment a negotiation for peace takes place between the Colonies and their mother-coountry.6
I announced to you, Sir, in my last letter dated from Madrid, that I should have the honour of informing you of a secret which His Catholic Majesty has deigned to confide to me relative to Portugal; this monarch told me that he had spoken to the Queen his sister of the mutual convenience there would be in forming an alliance between Portugal, Spain and France; that that Princess had shewn herself disposed to it, and that she had assured him that the Queen her daughter and the King her son-in-law would do as she wished in this respect.7 I have the honour to be [&c.]
Ossun.